
Gestion de la douleur
Gestion de la douleur: reconnaître la douleur chez les bovins laitiers
Les vétérinaires et les producteurs sont-ils d'accord sur la gestion de la douleur?
Publié le 26 août 2025
Propulsé par
Les bovins laitiers sont souvent confrontés à des conditions ou à des procédures douloureuses, que ce soit en raison de pratiques de gestion ou de maladies. Bien que la prévention des procédures douloureuses et des maladies doive toujours être un objectif, certaines situations douloureuses sont inévitables. Dans ces cas où la douleur ne peut être évitée, des analgésiques et des anesthésiques locaux doivent être utilisés pour gérer la douleur de manière appropriée. Une bonne gestion de la douleur est importante pour la santé et le bien-être des animaux et constitue un élément important pour une production laitière durable.
Dans cet article, nous soulignons certains des points clés et des opportunités examinés dans l'étude " La douleur chez les bovins laitiers : Une revue narrative du besoin de gestion de la douleur, des pratiques de l'industrie et des attentes des parties prenantes, ainsi que des opportunités"[1] par Steven Roche, Julia Saraceni, Laura Zehr et David Renaud. Cet article passe en revue et examine plusieurs pratiques courantes liées à la douleur dans la production laitière, ainsi que les pratiques recommandées de gestion de la douleur, les effets de la gestion de la douleur, les exigences des programmes de l'industrie et les niveaux actuels d'adoption de la gestion de la douleur par les producteurs et les vétérinaires en Europe et en Amérique du Nord.
Qu'est-ce que la douleur ?
La douleur est une expérience indésirable qui provoque une détresse et une diminution de la production chez les bovins laitiers. La douleur ou l'inflammation peuvent résulter de maladies présentes sur la ferme ou de procédures imposées aux animaux dans le cadre de la gestion quotidienne de la ferme [2].
La douleur, et la détresse qui y est associée, est également indésirable du point de vue du bien-être animal. Les consommateurs considèrent le bien-être des animaux comme une question importante ; par conséquent, il est important de garantir une bonne gestion de la douleur et, par extension, le bien-être animal, pour maintenir l'acceptabilité sociale de la production laitière.
Le bétail laitier est souvent confronté à des conditions douloureuses, qui comprennent à la fois les procédures de gestion (écornage, castration, chirurgie abdominale) et la douleur liée à la maladie (boiterie, mammite)[3]. Si la prévention de la douleur est essentielle, nombre de ces pratiques d'élevage sont nécessaires et les maladies sont inévitables, d'où la nécessité de gérer la douleur.
TABLEAU 1 | CAUSES DE LA DOULEUR [2]
Maladies douleureuses |
Procédures de gestion qui causent la douleur |
Boiterie | Ébourgeonnage/écornage |
Mammite | Caudectomie |
Maladie des articulations/ ombilicales | Castration |
Problèmes oculaires : conjonctivites et kératites | Césariennes/chirurgie abdominale |
Vaches couchées (Down Cow) | Naissances assistées/ dystocie |
Pneumonie | |
Métrite |
En ce qui concerne le bien-être animal
Dans le monde entier, l'industrie laitière a développé des programmes d'assurance qualité (QA) pour répondre aux attentes du public en matière de bien-être animal et de pratiques agricoles. Ces programmes varient dans leur portée et leur application réglementaire, certains étant dirigés par l'industrie et volontaires, tandis que d'autres ont des exigences de conformité obligatoires. Au Canada, proAction est dirigé par l'industrie et avisé par de multiples parties prenantes, et la conformité est obligatoire pour tous les producteurs laitiers du Canada [4]. Ces programmes ont contribué à une augmentation substantielle de l'adoption de la gestion de la douleur dans l'industrie laitière. Cependant, malgré les progrès réalisés, la conformité et la mise en œuvre restent incohérentes, certaines régions et certains producteurs n'adoptant pas complètement les stratégies recommandées de gestion de la douleur.
Que faire à présent ?
Il est évident que, malgré les preuves irréfutables que certaines conditions sont douloureuses, comme l'ébourgeonnage et l'écornage, il reste nécessaire d'améliorer la prise en charge de la douleur. Pour mieux comprendre pourquoi la gestion de la douleur n'est pas toujours mise en œuvre, il est nécessaire de connaître le point de vue des producteurs et des vétérinaires.

Les vétérinaires et les producteurs sont-ils d'accord en ce qui concerne la gestion de la douleur?
La reconnaissance et la gestion de la douleur sont des facteurs importants pour la protection du bien-être animal. Dans le cadre d'une enquête menée en Irlande auprès de producteurs et de vétérinaires, un questionnaire a été envoyé par courrier à des producteurs laitiers irlandais et à des vétérinaires spécialisés dans les grands animaux afin d'évaluer les attitudes à l'égard de la douleur et de l'utilisation d'anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) chez les vaches laitières élevées en pâturage[5]. Au total, 1 002 questionnaires ont été reçues de la part de producteurs laitiers et 116 de la part de vétérinaires spécialisés dans le bétail.
L'objectif de cette étude était d'évaluer les attitudes face à la douleur et l'utilisation d'analgésiques par les producteurs laitiers et les vétérinaires. L'objectif final était d'établir la relation entre le score de douleur attribué à certaines procédures et conditions, l'utilisation d'AINS et les scores d'empathie des producteurs et des vétérinaires.
Résultats de l'enquête
Dans cette étude, les producteurs et les vétérinaires ont généralement perçu les mêmes conditions et procédures comme étant les plus douloureuses. Cependant, les producteurs ont attribué aux interventions chirurgicales un score significativement plus élevé que les vétérinaires, et les vétérinaires ont attribué aux affections liées à la boiterie, à la mammite (caillots dans le lait uniquement) et à la perte de poils du jarret un score significativement plus élevé que les producteurs.
TABLEAU 2 | Accord des producteurs et des vétérinaires avec les affirmations relatives à l'analgésie et à la douleur chez les bovins, dans le cadre d'une enquête sur les attitudes à l'égard de la douleur et de l'utilisation d'analgésiques chez les vaches laitières élevées en pâturage.[5]
Affirmations | Accord vétérinaire (%) | Accord des producteurs (%) | P-value |
---|---|---|---|
Les analgésiques peuvent masquer la détérioration de l'état de l'animal. | 25 | 38 | 0.006 |
Les bovins tirent profit de l'administration d'analgésiques dans le cadre de leur traitement. | 98 | 90 | 0.012 |
Une certaine douleur est nécessaire pour empêcher l'animal de devenir trop actif. | 15 | 18 | 0.371 |
Les bovins se rétablissent plus rapidement lorsqu'on leur administre des analgésiques. | 97 | 75 | 0.00 |
Les effets secondaires des médicaments limitent l'utilité de l'administration d'analgésiques aux bovins. | 10 | 12 | 0.397 |
Les producteurs sont prêts à payer les coûts liés à l'administration d'analgésiques aux bovins. | 63 | 75 | 0.006 |
Les producteurs aimeraient que les bovins reçoivent des analgésiques, mais le coût est un problème majeur. | 26 | 30 | 0.356 |
Les producteurs ne connaissent pas suffisamment les méthodes de contrôle de la douleur chez les bovins. | 70 | 63 | 0.133 |
Les vétérinaires ne discutent pas suffisamment avec les producteurs du contrôle de la douleur chez les bovins. | 57 | 56 | 0.994 |
Les différences statistiques entre les avis des vétérinaires et ceux des producteurs sont indiquées pour chaque affirmation, sur la base de modèles de régression logistique (***P < 0,001, **P < 0,01, *P < 0,05).
Des scores de douleur plus élevés pour les conditions et les procédures données par les producteurs de vaches laitières et les vétérinaires ont été associés à une utilisation accrue d'AINS. Toutefois, l'utilisation d'AINS était faible, par rapport au score de douleur, pour la castration de Burdizzo (producteurs et vétérinaires), la séparation de la ligne blanche (producteurs et vétérinaires) et l'abcès (vétérinaires), la mammite avec caillots dans le lait uniquement (producteurs) et le vêlage sans assistance (producteurs).
Les vétérinaires qui ont obtenu leur diplôme moins récemment avaient significativement moins de chances d'utiliser des AINS. Les vétérinaires perçoivent le coût comme un obstacle plus important que les producteurs. Les scores de douleur de cette étude peuvent servir de référence aux producteurs et aux vétérinaires pour déterminer s'ils sous-estiment eux-mêmes la douleur et pour mieux évaluer s'ils traitent cette douleur de manière appropriée.
Pour ceux qui travaillent avec des vaches laitières, il est nécessaire de poursuivre l'éducation sur les avantages de l'analgésie, en particulier pour les conditions et les procédures qui ont une faible utilisation d'AINS par rapport au score de douleur.
TABLEAU 3 | Proportion des producteurs souhaitant qu'une vache reçoive des AINS pour différentes pathologies et interventions, et proportion de vétérinaires donnant des AINS dans ≥50% des cas pour chaque pathologie et intervention, dans le cadre d'une enquête sur les attitudes vis-à-vis de la douleur et de l'utilisation d'analgésiques chez les vaches laitières élevées en pâturage[5].
Condition/procédure | Proportion de producteurs qui souhaiteraient qu'une vache reçoive des AINS pour chaque conditions/procédure (%) | Proportion de vétérinaires utilisant des AINS dans ≥50 % des cas pour chaque procédure/condition (%) |
Ébourgeonnage (veau) | 64 | 62 |
Castration Burdizzo (veau) | 44 | 32 |
Castration chirurgicale (veau) | 86 | 65 |
Amputation digitale | 97 | 88 |
Traitement des ulcères de la sole | 80 | 75 |
Hémorragie de la sole | 63 | 54 |
Abcès de la ligne blanche | 74 | 64 |
Ligne blanche (sans abcès) | 35 | 34 |
Chirurgie de caillette | 91 | 72 |
Mastite | 26 | 42 |
Césarienne | 98 | 76 |
Dystocie | 73 | 68 |
Vêlage (sans assistance) | 6 | n/a |
Comment prévenir « l'accoutumance » à la douleur ?
Les producteurs et les vétérinaires ont généralement considéré les mêmes conditions et procédures comme plus sévères. Des différences dans les scores de douleur ont toutefois été constatées entre les vétérinaires et les producteurs pour certaines conditions et procédures. Les producteurs ont attribué des scores de douleur plus élevés que les vétérinaires pour les chirurgies abdominales correctrices (déplacements de caillette à gauche) et la césarienne. Une explication possible est que les vétérinaires considèrent ces procédures et conditions comme routinières, alors que pour les producteurs, il s'agit d'événements rares et graves.
En revanche, les vétérinaires ont attribué des scores de douleur significativement plus élevés aux affections liées à la boiterie [dermatite digitale, séparation de la ligne blanche (sans abcès), abcès de la ligne blanche et traitement d'un ulcère de la sole], à la mammite (caillots dans le lait uniquement) et à la perte de poils du jarret, par rapport aux producteurs. Cela montre que les producteurs et les vétérinaires peuvent s'habituer à la douleur de certaines affections en raison d'une exposition fréquente. Il est important pour le bien-être des vaches que des efforts soient faits pour éviter cette "accoutumance" à la douleur. Une fois la douleur reconnue, elle peut être traitée.
La douleur compromet le bien-être des animaux et peut réduire la productivité des vaches laitières. Pour que la douleur puisse être soulagée, il faut d'abord qu'elle soit reconnue par les éleveurs et les vétérinaires.

Désaccords sur la gestion de la douleur
Les désaccords sur l'atténuation de la douleur sont peu fréquents, mais cela peut s'expliquer par le peu de discussions sur la gestion de la douleur en général. Les vétérinaires ont la possibilité d'engager avec leurs producteurs davantage de discussions sur la gestion de la douleur [6].
Nécessité d'une formation plus poussée
La majorité des producteurs estiment qu'ils ne sont pas suffisamment informés sur la gestion de la douleur et que les vétérinaires ne discutent pas suffisamment de gestion de la douleur avec les producteurs. Des résultats similaires ont été obtenus auprès d'éleveurs britanniques, 62% d'entre eux estimant ne pas être suffisamment informés sur le soulagement de la douleur et 53% estimant que les vétérinaires ne discutent pas suffisamment de l'utilisation du soulagement de la douleur avec les producteurs[7]. Cette étude a également montré que les connaissances sur la gestion de la douleur augmentaient la volonté des éleveurs d'utiliser les AINS. Les producteurs devraient être informés des avantages de l'utilisation des AINS en termes de bien-être et de rentabilité. Un quart des vétérinaires sont également d'accord avec l'affirmation suivante: "Les analgésiques peuvent masquer la détérioration de l'état de l'animal". Cela montre que les vétérinaires pourraient également bénéficier d'une formation plus poussée sur la gestion de la douleur dans le secteur laitier. Cela peut également conduire à un meilleur transfert de connaissances des vétérinaires vers les éleveurs.
Lors d'entretiens avec des producteurs de l'Ontario, au Canada, sur l'utilisation de l'analgésie pour l'ébourgeonnage et l'écornage, il a été identifié que les attitudes des producteurs concernant les avantages de la gestion de la douleur, le coût et le manque d'éducation sur les procédures de gestion de la douleur constituaient les principaux obstacles à son utilisation[8]. Le manque de formation des producteurs s'est également avéré être un obstacle à l'utilisation de la gestion de la douleur pour les producteurs brésiliens [9].
Les vétérinaires étant très appréciés des producteurs pour leur capacité à conduire des changements de gestion[10] et à modifier l'utilisation de la gestion de la douleur [1], ils devraient être impliqués dans le processus afin de souligner les avantages de la gestion de la douleur et d'éduquer les producteurs sur les méthodes appropriées de gestion de la douleur.

Conclusions
La littérature scientifique souligne que de nombreuses conditions et procédures douloureuses se produisent couramment chez les bovins laitiers. Ces conditions et procédures nécessitent une atténuation de la douleur du point de vue du bien-être animal et, dans de nombreux cas, la gestion de la douleur présente des avantages supplémentaires pour la santé et la productivité de l'animal. La pression exercée par les consommateurs en matière de bien-être animal a mis davantage l'accent sur l'importance de réduire l'incidence de la douleur chez les bovins laitiers. Bien que, dans certaines conditions et procédures, il soit clair qu'il y a des avantages à gérer la douleur, l'adoption réelle est à la traîne, ce qui signifie qu'il est toujours nécessaire de communiquer les avantages de la gestion de la douleur pour ces conditions aux producteurs et aux vétérinaires. Étant donné l'importance de la relation vétérinaire-client-patient pour l'élaboration de protocoles d'atténuation de la douleur, la compréhension de la communication entre les vétérinaires et les producteurs est essentielle à la mise en œuvre de protocoles de gestion de la douleur solides à l'échelle de l'industrie.
Solvet offre maintenant le portfolio le plus complet de AINS au pays
Créés par et pour des Canadiens, nous comprenons la réalité particulière et les besoins spécifiques de l'industrie canadienne de la santé animale.
Vous devez être connecté(e) pour accéder à la page.
Extrait de : Pain in Dairy Cattle : A Narrative Review of the Need for Pain Control, Industry Practices and Stakeholder Expectations, and Opportunities par Steven Roche, Julia Saraceni, Laura Zehr et David Renaud.
Cette revue narrative a été financée par Solvet (AVL-2025-01).
Références :
- Pain in Dairy Cattle: A Narrative Review of the Need for Pain Control, Industry Practices and Stakeholder Expectations, and Opportunities. Steven Roche , Julia Saraceni , Laura Zehr and David Renaud
- Pain management in cattle. Maura Langan MVB, Veterinary Ireland Journal I Volume 7 Number 4.
- Kleinhenz, M.D.; Viscardi, A.V.; Coetzee, J.F. Invited Review: On-farm pain management in food production animals. Appl. Anim. Sci. 2021, 37, 77–87.
- Manuel de référence proAction 2023.
- Use of Non-Steroidal Anti-Inflammatory Drugs and Attitudes to Pain in Pasture-Based Dairy Cows: A Comparative Study of Farmers and Veterinarians. Natasha Browne, Muireann Conneely, and Chris Hudson. 2022.
- Frequency of disagreements between producers and veterinarians about pain management in cattle. Sage Mijares, Lily Edwards-Callaway, Elizabeth Johnstone Lorann Stallones, Noa Román-Muñiz, Catie Cramer, and Johann Coetzee. 2022
- Huxley JN,Whay HR. Attitudes of UK veterinary surgeons and cattle farmers to pain and the use of analgesics in cattle. Cattle Pract. (2007) 15:189–93.
- Mahendran, S.A.; Booth, R.; Burge, M.; Bell, N.J. Randomised positive control trial of NSAID and antimicrobial treatment for calf fever caused by pneumonia. Vet. Rec. 2017, 181, 45.
- Saraceni, J.; Renaud, D.L.; Nelson, E.; Van Os, J.M.C.; Miltenburg, C.; Winder, C.B. Ontario dairy producers’ perceived barriers and motivations to the use of pain control for disbudding and dehorning calves: A qualitative study. Animals 2022, 12, 973.
- Cardoso, C.S.; von Keyserlingk, M.A.G.; Hotzel, M.J. Trading off animal welfare and production goals: Brazilian dairy farmers’ perspectives on calf dehorning. Livest. Sci. 2016, 187, 102–108.
- Wilson, J.P.; Green, M.J.; Randall, L.V.; Rutland, C.S.; Bell, N.J.; Hemingway-Arnold, H.; Thompson, J.S.; Bollard, N.J.; Huxley, J.N. Effects of routine treatment with nonsteroidal anti-inflammatory drugs at calving and when lame on the future probability of lameness and culling in dairy cows: A randomized controlled trial. J. Dairy Sci. 2022, 105, 6041–6054.